Le 20 Mars dernier Raimondo me signalait qu’il venait de finir le 25ème épisode de son roman médiéval… et que ce n’était pas fini! Boudiou! A raison d’un épisode tous les deux mois, je ne sais pas si je serai encore en vie pour en voir la fin 😀 …
X
La nuit portant conseil, Emeline, décida de rejoindre son vice-roi d’époux, alors qu’Albine, enceinte, se voyait mal repartant dans ces terres orientales qui ne lui avaient pas toujours apporté du bonheur. Renaud, quant à lui, ne tenait pas à s’éloigner de sa bien-aimée ; il mit cependant tout son zèle pour préparer l’expédition d’Emeline en Terre sainte, s’assurant que tout avait été prévu : le matériel, les hommes, les suivantes, les réserves, les animaux de trait, bref tout ce qu’il faut réunir lorsqu’on envisage un tel déplacement. Aglaé, à son grand regret, ne se sentait le courage d’entreprendre une telle aventure ; elle reporterait sur Albine l’affection qu’elle avait toujours montrée à Emeline.
La veille du départ, Guillaume vint présenter ses respectueux hommages à la reine ; il tenta de donner à leurs adieux, une teneur plus intime, n’hésitant pas à se montrer audacieux. Il osa ces privautés qui autrefois les menaient à l’extase ; Emeline ne le repoussa pas, mais force lui fut de constater que son corps restait insensible à ces pourtant délicieuses avances.
On s’achemina vers les terres du comte de Provence, bordées par la mer, où l’on trouverait à coup sûr, un de ces voiliers assurant le trafic avec l’Orient. Une fois de plus, Emeline constata que le royaume de France était magnifique avec ses sites grandioses et l’idéale répartition des plaines, des montagnes, des champs et des bois ; à coup sûr, en créant le monde, Dieu s’était surpassé lorsqu’il donna le jour à cette contrée devenu le royaume de France. Les merveilleux paysages que l’on traversait la ravirent et peu à peu, elle retrouva le sourire et une certaine bonne humeur. De plus, sa qualité de reine, lui donnait le privilège de trouver le gite dans les châteaux qui jalonnaient sa route ; elle y était reçue avec tous les égards dus à son rang et les fêtes qu’on y faisait, la sortirent peu à peu de sa langueur.
Et c’est ainsi, alors qu’on était proche de l’antique cité phocéenne de Marseille, qu’elle fit étape dans le castel d’un comte descendant d’une vieille famille de la région : le Chevalier Géraud. C’était un homme de haute taille, qui avait maintes fois montré sa bravoure sur les champs de bataille, châtiant de son estoc redoutable ceux qui avaient le malheur de l’en approcher. Jeune encore, célibataire, il souffrait d’une calvitie précoce, provoquée certainement par le port du heaume ; cela n’enlevait rien à son charme naturel, et on lui connaissait de nombreuses bonnes fortunes (*). Ne disait-on pas à cette époque que les chauves étaient de merveilleux amants ? Emeline ne connaissait peut-être pas cette particularité, mais il faut dire qu’elle ressentit, à la vue du beau chevalier, une petite chaleur intérieure qu’elle n’avait pas éprouvée depuis longtemps. Elle se fit très belle pour le festin organisé en son honneur, et le chevalier, dont l’œil commençait à briller, lui fit compliment pour la magnificence de sa parure dont les couleurs s’alliaient harmonieusement avec l’éclat de son teint.
Les cuisiniers du château avaient préparé pour la circonstance des mets de qualité arrosés d’un élixir anisé, élaboré par un moine de la région, Le Père Not, éminent botaniste qui travaillait en étroite collaboration avec son collègue, le Père Gaucher. Entre chaque plat, des troubadours venaient donner la sérénade ; durant ces moments, Géraud se montra prévenant, puis galant et bientôt entreprenant, n’hésitant pas à entourer d’un bras protecteur, les épaules de son illustre convive. Destiné à une reine, le geste était inhabituel, voire incongru, mais Emeline ne s’en offusqua pas, bien au contraire, et se serra un peu plus vers son hôte, à la rencontre d’une cuisse musclée, sur laquelle elle posa une main, d’abord caressante et bientôt fureteuse, qui partit à la rencontre d’un sexe en pleine mutation. Ce fut le signal du départ ; sous un prétexte fallacieux, Géraud et Emeline se retirèrent, laissant leurs invités poursuivre leurs agapes.
Ils montaient vers les chambres, lorsqu’Emeline, incapable d’attendre plus longtemps, réclama d’urgence une petite levrette, posture particulièrement adaptée à l’étroit escalier en colimaçon. Elle releva sa robe et Géraud, ébloui par le spectacle de deux ravissantes fesses, et en galant homme, répondit à cet appel ; quelques va et vient suffirent à redonner vie à la reine, qui à plusieurs reprise poussa des « aaaaaaaaaaaa !!!! » de satisfaction.
– Il y a des mois que je n’avais aussi bien joui !
Expression, assez légère, voire inconvenante, dans la bouche d’une reine mais qui se justifiait après la période de disette qu’elle avait connu.
Ce petit intermède achevé et Géraud étant resté sur sa faim, on se retrouva vite sur un lit, décidé à poursuivre une joute si bien commencée. Face à cette reine, jolie comme un cœur, au délicieux corps nu offert à son admiration passionnée, percevant en elle d’indéniables talents amoureux, le chevalier se comporta comme à la guerre : avec brio et panache.
Les deux amants se donnèrent du bon temps, variant les caresses et les positions, suspendant leurs ébats, au strict minimum, afin de reprendre leur souffle. Pour la première fois de sa vie, Géraud tenait entre ses bras une reine, et qui plus est, comme on dit parfois un peu légèrement, un bon coup, car notre Emeline avait retrouvé toute la vigueur d’autrefois ; elle ne cherchait pas à savoir d’où venait cet heureux renouveau, elle se contentait d’en profiter pleinement et les « aaaaaaaaaa !!!!! » de contentement en faisaient foi. Elle put enfin renouveler avec Géraud cette délicieuse position imaginée à Montpellier : la bourrée languedocienne. En réponse, son partenaire osa avec elle la fameuse randonnée camarguaise, dite parfois, chez les petites gens des campagnes, « A dada sur mon bidet ».
La nuit n’apporta, ni conseil, ni repos, mais de quoi meubler leur esprit d’inoubliables souvenirs.
Il faisait grand jour lorsqu’ils firent surface. Une dépêche d’Adalbert Flavien Gaétan de Coucy, apporté par messager express, attendait Emeline.
» Ma bien aimée reine, j’ai grand hâte de te revoir et, seul dans ma royale couche, je me désespère, attendant le jour bénit, où je pourrai enfin te serrer dans mes bras. Cette guerre contre les infidèles est vraiment inhumaine, car elle éloigne les époux de leur femme chérie, et la continence forcée qu’elle leur impose devient pesante avec les mois qui passent. Viens vite, je t’attends, en imaginant les folies que nous feront tous les deux pour rattraper le temps perdu. J’embrasse tes lèvres et ton petit minou. «
Cette missive faillit donner à Emeline quelques regrets, elle qui ne s’était jamais privé des jeux de l’amour, alors que son pauvre mari supportait une effroyable continence. Fort heureusement, Géraud sut rétablir la vérité : il avait fait la guerre et savait pertinemment à quoi s’en tenir sur la solitude du combattant. Aussi Emeline n’hésita pas à quémander un petit supplément de caresse ; bien sûr Géraud était partant, mais ce fut Emeline qui arriva la première.
Malheureusement, les meilleures choses ont une fin : il fallait poursuivre le voyage. Géraud, se contenta de gratifier sa reine d’un respectueux baisemain mais on se doute bien qu’il aurait préféré se montrer plus chaleureux.
Avec nostalgie, il regarda s’éloigner le cortège royal d’Emeline qui poursuivi son voyage avec un plaisir accru ; sa langueur s’était dissipée, le goût des divertissements amoureux lui était revenu, tout était donc pour le mieux. Sans en être complètement assurée, elle restait persuadée que l’élixir anisé du Père Not lui avait fait grand bien et à cet effet, elle avait fait provision de quelques tonnelets du précieux breuvage. Mais elle songeait également que le charme ravageur de Géraud n’était pas étranger à cette heureuse guérison.
A Marseille on s’embarqua sur un trois-mâts en direction de la Sicile puis des régions hellènes.
(*) D’après certains généalogistes éminents, il semblerait que le Géraud, dont il est fait mention ci-dessus ait eu une descendance bâtarde, qui perdure de nos jours en Provence. (Note de l’éditeur).
***
Alors qu’Emeline vogue sur les flots bleus de la Méditerranée, Aïcha et sa troupe, afin de divertir le Sultan, assurent des spectacles de chants et de danses, toujours très appréciés. Schéhérazade s’accompagnant de son luth contait mille et une histoires que l’on écoutait avec ravissement. On était nanti du gite et du couvert et la vie s’écoulait dans la quiétude. Seul le pauvre Tamère se languissait. Certes, il avait le loisir, lorsque l’envie le prenait, de présenter ses hommages à ses amies, qui ne rechignaient à se laisser caresser les seins ou les fesses, mais à la longue il s’aperçut que cela devenait insuffisant : il souhait mieux mais comme il bandait toujours mou, il ne pouvait pas plus, et cela le démoralisait.
Ses amies constatèrent qu’il se montrait de moins en moins empressé, que son humeur devenait sombre et qu’il s’enfermait de plus en plus dans un mutisme inquiétant. Elles tentèrent une démarche désespérée ; un soir elles le reçurent en toute intimité et s’adonnèrent devant lui à cette danse des sept voiles qu’autrefois Salomé exécuta devant Hérode. Face à ces ravissants corps nus qui s’offraient à ses yeux, il demeura de marbre, n’accomplissant même pas les petits touchers qu’il se permettait d’ordinaire ; quant à la danse lubrique qui s’ensuivit, elle n’éveilla chez lui aucune réaction.
Le lendemain, on s’aperçut que Tamère avait disparu et les recherches effectuées dans les moindres recoins du palais restèrent vaine.
La vie continua.
Cependant, Aïcha, se remémorant la soirée, qu’avec Schéhérazade elles avaient offert à leur ami, eut l’idée originale d’en faire un divertissement scénique. On prépara avec soin ce numéro ; on peaufina le scénario, veillant au moindre détail, choisissant des costumes somptueux particulièrement adaptés à la circonstance, réglant avec art les danses et les musiques, bref on présenta un soir au Sultan Bourrin un spectacle de grande qualité qui l’enchanta et qu’on renouvela souvent pour lui plaire.
Et un soir, poussées par on ne sait quel démon, les deux actrices ajoutèrent un piment imprévu à leur prestation : leur danse se fit plus lascive que d’ordinaire, elles se frôlèrent, puis se touchèrent, et bientôt se caressèrent. Elles eurent soudain l’idée géniale de mimer un orgasme et poussèrent presque simultanément, des « iiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!» de plaisir. Quand elles se retrouvèrent en coulisse, elles s’avouèrent que leur simulation était presque à la limite de la réalité ; elles s’en amusèrent mais ne se refusèrent pas l’occasion de se donner du plaisir et les « iiiiiiiiiiiiiiiiiii !!! » cette fois, n’étaient pas feints. Schéhérazade découvrit, ce qu’elle ne connaissait pas, et qu’Aïcha lui fit connaitre, les bienfaits de l’olisbos, toujours utile en cas de besoin. La nuit leur fut douce et lorsqu’elles s’éveillèrent ce fut pour elles un vrai bonheur de se trouver côte à côte. Et dans ces intimes moments qui précèdent le lever, elles évoquèrent leur ami Tamère, dont la gentillesse leur faisait grandement défaut.
Mais au fait, ce brave Eunuque, qu’était-il devenu ? Comme le dira un jour un grand homme sachons attendre et « laissons du temps au temps ».Voguons vers la Crète où Emeline et son trois mats ont fait escale.
En cette époque médiévale, l’ile appartenait aux vénitiens qui y avaient établi des installations portuaires pour accueillir les navires commerçant dans cette région. Une riche bourgeoisie y vivait dans l’opulence et se donna le plaisir d’accueillir et de fêter comme il se doit, cette reine d’origine française. Un bal fut donné au cours duquel les hommes présents se pressèrent autour d’Emeline pour la complimenter sur sa beauté, sur l’éclat de ses atours et sur la fascination qu’elle suscitait. Beaucoup avaient des idées coquines derrière la tête et les femmes, jalouses comme des tigresses faisaient grise mine montrant à la reine, sinon du dédain, du moins une indifférence certaine.
L’une d’elle cependant, s’approcha d’Emeline.
– Mon nom est Grazia ; je suis l’épouse de ce petit vieillard qui fanfaronnait près de vous à l’instant.
– Fanfaronner est un grand mot. Disons, qu’il me débitait, comme de nombreux hommes ce soir, les compliments qu’ils croyaient devoir exprimer à ma royale personne.
– N’ayez crainte, il n’y a dans mon propos aucune jalousie ; la jalousie est le propre des gens qui s’aiment, et ce n’est pas mon cas.
Il y eu un moment de silence gêné, et Grazia prenant la main d’Emeline poursuivit :
– Venez sur la terrasse, j’aimerais vous demander un avis ; éloignons-nous de ce lieu bruyant et peu propice aux confidences.
Et sur un belvédère dominant un magnifique parc, Grazia se confia à Emeline.
» J’avais à peine 14 ans, lorsque ma famille décida de me marier avec un riche armateur crétois. Faisant fi d’une différence d’âge de plusieurs décennies, c’était l’occasion de réunir deux fortunes et on ne me demanda pas mon avis. Je ne vous dis ce que peut être la nuit de noce d’une adolescente que nul n’a jamais éclairé sur les mystères de cet instant qu’on dit magique. Et depuis dix ans, suivant les caprices de mon époux, force m’est d’accepter des caresses qui ne m’apportent aucun des bienfaits que l’on prétend.
Il y a quelques semaines, j’ai rencontré au cours d’une soirée de fête, le neveu d’un banquier vénitien de la cité, nouvellement arrivé pour succéder à son oncle. Il est jeune, il est beau, il a un charme fascinant et il me semble que je ne lui suis pas indifférente. La nuit, seule sur ma couche, j’ose m’imaginer entre ses bras, sous une étreinte qui ne me serait pas imposée. «
Grazia se tut, le regard vague, bercée sans doute par d’intimes pensées délicieuses. Et soudain, elle quémanda un avis :
– Pensez-vous, chère reine, que ces sentiments soient séants pour une femme mariée, qui a juré fidélité à son époux ?
On se doute bien qu’Emeline rassura son amie ; elle lui fit comprendre que ses scrupules étaient hors de propos, quand on songe à tous les droits que s’arroge la gent masculine, alors que la femme vit sous la contrainte exigée par les pères et les maris. Elle lui révéla, sans ne lui rien cacher, les libertés qu’elle avait prises depuis qu’Adalbert Flavien Gaétan de Coucy l’avait abandonnée pour aller guerroyer et l’assura qu’elle y avait trouvé un immense bonheur. Grazia découvrait un monde de liberté inconnu pour elle, mais n’osait imaginer comment s’y introduire ; heureusement, Emeline était là : elle se faisait fort de guider ses pas vers la félicité.
– Chère Grazia, laissez-moi faire. Je vous attends demain, dans mes appartements, au palais du gouverneur…
– Raimondo (à suivre)