Déjà le quatrième épisode ! Hé bé, ça commence vraiment à virer « en sucette » diraient les gens du Nord, à tourner « en biberine » plussoieraient les gens du Midi, mais qu’est-ce qu’on se marre !
Adalbert Flavien Gaétan de Coucy, contemplait la belle Albine ; il était partagé entre deux sentiments : celui de respecter cette jeune fille, marquée déjà par un cruel destin et celui, moins avouable, de vivre quelques délicieux moments de tendresse. Son esprit vagabond, la dévêtait, imaginant les gracieuses courbes de son corps juvénile et il sentait monter en lui un fébrile désir, qui se manifestait sous ses braies par un grossissement de son sexe dont l’origine ne pouvait faire aucun doute.
– Ma petite tourterelle, viens te reposer dans mon nid.
Il avait fait un réel effort pour trouver un mot charmant, romantique avant la date, qui cachait à vrai dire, de salaces idées. Albine, de son côté, n’était pas indifférente à une proposition qui arrivait à point nommé, après de longs mois d’une pénible continence. Elle allait céder, quand la porte du salon s’ouvrit sous la poussée de Renaud, un écuyer du comte.
– Monsieur le Comte, je vous cherche depuis un bon moment ; notre Roi réclame la présence de tous ses capitaines pour un conseil de guerre. Il vous faut le rejoindre aussitôt.
On annonçait en effet la venue imminente d’une troupe d’infidèles décidés à venger le Sultan Tacule et bouter les croisés hors du palais. Adalbert Flavien Gaétan de Coucy, à son grand regret, allait devoir interrompre les moments d’intimité avec Albine, pour se rendre à l’appel de son Roi.
Albine, d’abord déçue de ce départ précipité qui mettait fin à quelques délicieux projets, remarqua très vite l’écuyer du comte ; il se fit alors en elle un grand bouleversement, dont, à n’en pas douter, le jeune homme était la cause : elle ressentit soudain un frisson inconnu, une envie irrépressible de se faire toute petite entre ses bras pour y chercher la sérénité. Ce sentiment lui était nouveau ; jusqu’ici, la nature avait parlé, la poussant vers les hommes pour y cueillir une bienfaisante quiétude, un délassement qui calmait ses sens. Cette fois, il y avait quelque chose de nouveau, un sentiment qu’elle ne savait trop qualifier, n’osant encore y percevoir de l’amour.
-Viens, dit-elle, en lui tendant la main.
Il suffit parfois d’un simple mot pour que naisse une belle histoire.
Les deux jeunes gens se retrouvèrent côte à côte sur un confortable sofa, appelé, cela va de soi dans ces régions, une ottomane. Ils restèrent un long moment serrés l’un contre l’autre sans mot dire puis en vinrent à des jeux plus intimes, des caresses et des baisers, alors que leurs mains fureteuses cherchaient des points sensibles et agréables à effleurer. Renaud s’émerveillait à la vue de deux seins généreux dont il appréciait la fière tenue et qu’il s’évertuait à titiller pour leur donner vie. Albine se réjouissait de ces hommages ponctués par de tendres paroles affectueuses. Ils prirent tout leur temps pour échanger les préliminaires divers et variés qui les menèrent au nirvana et pour la première fois de sa vie, émue comme elle ne l’avait jamais été, la jolie servante versa quelques larmes que Renaud essuya avec ferveur.
Ils restèrent longtemps l’un contre l’autre, silencieux, dans l’attente d’une renaissance et d’une nouvelle explosion de leurs sens.
Et pendant qu’ils vivaient cet interlude exquis, le Roi de France donnait à son ost les dernières consignes pour mener à bien la bataille qu’il envisageait dès le lendemain matin, sur un grand tertre situé hors de la ville. Suivant les conseils du connétable, on avait choisi une position stratégique en hauteur qui obligerait l’ennemi à faire effort pour engager le combat au corps à corps. Les chevaliers disposés en trois ailes, la gauche et la droite encadrant le centre, devraient le moment venu, prendre les infidèles en tenaille et les enfermer dans un cercle empêchant toute velléité de fuite. Arriverait alors la piétaille, les biffins de l’époque, chargée d’embrocher les survivants, à l’aide de leur angon ou leur javeline.
Dieu ! Comme on savait faire la guerre en ces temps anciens ! Comme on n’hésitait pas, à occire allègrement l’ennemi, pour éviter de s’encombrer d’inutiles prisonniers. Seuls étaient épargnés les grands, les écussonnés, à qui on réservait le droit de pouvoir recouvrer leur liberté en payant une lourde rançon. De plus, ces guerres de croisade assuraient aux glorieux assassins l’assurance d’obtenir le repos éternel dans un Paradis, dont l’aspect pouvait varier suivant les croyances, mais à coup sûr, un lieu de délices. Tout cela n’était-il pas magnifique ?
Le conseil de guerre terminé, les chevaliers quittèrent le palais pour rejoindre leurs hommes parqués dans un caravansérail où ils tenaient position. Ce départ, ayant fait quelque bruit, attira l’attention de Renaud qui décida, à son grand regret, de se rhabiller afin de rejoindre son maître et sa troupe. Quand à Albine, elle se demandait quel allait être son devenir, mais l’écuyer, qui semblait avoir devancé toute question à ce sujet, la rassura :
– Petite Alba, (il avait imaginé pour elle ce diminutif plus intime) reste cachée ici jusqu’à la nuit tombée ; je viendrai alors te chercher et t’assurer une retraite en lieu sûr.
Avant de se séparer, un long baiser, quelques privautés, des mains baladeuses, des doigts fureteurs scellèrent ce projet, Albine se demandant si Renaud tiendrait promesse…
Mais, au fait, qui étaient ces infidèles, venus, tardivement concédons-le, au secours de leur ami, le Sultan Tacule ? Il s’agissait en fait d’une armée constituée par un personnage assez louche, l’Emir Obolan, qui présidait aux destinées de l’émirat d’Aigou. Depuis longtemps, Obolan était jaloux de la puissance et la richesse de Tacule, dont il enviait en particulier le harem très abondamment fourni : intervenir constituait un moyen de s’emparer de ces richesses qu’il convoitait depuis de nombreuses années. Certes, les chevaliers français occupaient une position stratégique de choix, mais Obolan ne doutait pas que ses courageux guerriers se comporteraient avec une fougue apte à faire des miracles.
Au petit jour, les belligérants étaient en place, prêts au combat. Mais, car à la guerre, il y a parfois des » mais » qui surgissent alors qu’on ne les attend pas, les chevaliers français, ne trouvèrent personne face à eux : l’ennemi, fantaisie inexplicable de la guerre, n’étaient pas devant eux, mais derrière. Cela aurait pu changer le cours de l’histoire, déstabiliser nos preux, risquer de compromettre l’issue de la bataille : il n’en fut rien ; le connétable, par une de ses idées qui font le génie des grands chefs de guerre, commanda une manœuvre de retournement, qui fit merveille. Certes, cela conduisait l’aile gauche à se trouver à droite, et l’aile droite à gauche, mais les français d’alors, ces glorieux descendants d’Astérix, de Vercingétorix, et autres héros en » Ix « , ne se laissèrent pas démonter par d’aussi insignifiants détails, et se tinrent prêts à l’assaut.
Lorsque le soleil apparut, aux cris de « Saint Denis Montjoie » et de « Allah Akbar », le combat commença et Adalbert Flavien Gaétan de Coucy, comme à l’accoutumée, fit montre de sa légendaire vaillance.
Raimondo ( à suivre)